La cancoillotte

Bourgogne, Franche Comté et Rhône Alpes

Aucun commentaire Catégorie : Produit laitier

Description

La cancoillotte n’est pas un « fromage » comme les autres, mais une pâte fromagère à tartiner, à la consistance lisse, coulante, collante, d’une couleur jaune paille, flattant le palais d’un arrière-goût de lait fermenté légèrement fruité. Conditionnée en pot, elle appartient à « l’univers gastronomique » franc-comtois et, bien que de tous les rayonnages de la grande distribution, « nature » ou « à l’ail », elle reste assez énigmatique pour le Français moyen !

La matière première provient d’un lait de vache totalement écrémé, réchauffé pour qu’il coagule et donne un caillé appelé metton ou meton. Emietté, ce metton sera gardé au chaud plusieurs jours. Lorsque le grain jaunit, qu’il dégage une odeur forte, on le fait fondre avec du beurre, un peu d’eau salée, jusqu’à obtenir une crème, éventuellement relevée de lait, de vin blanc, de kirsch et d’épices.

Ce curieux fromage fondu, délicieux tartiné sur du pain et que la cuisine comtoise accommode avec le poisson, le poulet, les œufs brouillés, les pommes de terre, a longtemps pâtit d’une image péjorative : ne le qualifiait-t-on pas de « glue », « colle », « merde de vache », « merde du diable » ?

Plusieurs hypothèses s’affrontent sur son origine : gauloise ou gallo-romaine pour les uns, médiévale pour les autres. D’autres historiens voient en la cancoillotte le résultat d’une heureuse erreur de fabrication survenue au XVIe siècle et que Nicolas de Granvelle, ministre de Charles Quint, aurait fait connaître et apprécier à la cour !
Ce fromage intimement lié au bas pays jurassien (sa consommation reste, d’ailleurs, la plus importante dans le département de la Haute-Saône), était avant tout le fromage du pauvre, appelé « fromage fondu », « fromage gaudot » (du fait de sa ressemblance avec les gaudes refroidies), « fromage de ménage », « fromagère » ou encore « fromage de femme ». L’appellation actuelle ne se fixera qu’à la fin du XIXe siècle, l’orthographe évoluant au fil du temps en « canquoillotte », « camoillotte » (dans le patois du pays de Montbéliard), avant d’aboutir à cancoillotte (avec un ou deux « t »). Sa prononciation varie aussi selon les zones géographiques : « kan-coi-yotte » en Haute-Saône, Doubs et Territoire de Belfort, « kan-coyotte » dans le Jura.

Produit jusqu’alors fermier réalisé avec le rebut du lait (le reste partant pour la crème et le beurre), la cancoillotte fera une entrée dans l’ère industrielle durant la Première Guerre mondiale, grâce à Laurent Raguin, qui la fit stériliser et conditionner dans des boîtes de fer blanc pour l’approvisionnement des poilus francs-comtois. Aujourd’hui, la cancoillote est devenue l’un symboles gastronomiques de la Franche-Comté (consommée à 90 % dans la région). Plus des trois-quarts de sa production est détenue par le géant de la transformation du lait Lactalis, qui a absorbé ses principaux concurrents (Landel, Raguin, Poitrey) et qui fabrique de la cancoillotte en Bretagne et en… Algérie ! Plus question d’IGP (Indication Géographique Protégée), place à la production ! Quelques producteurs « irréductibles » proposent une version plus authentique.

Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.

A propos du membre

Frédéric Zégierman Valence (26000)

Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.

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Les terroirs de cancoillotte