A cheval sur trois départements (Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vendée), le Marais poitevin s’avance sur 95 000 hectares, de Niort à la baie de l’Aiguillon. L’action de la nature (l’Océan, se retirant, progressivement, a laissé place à un vaste marécage) conjuguée aux travaux d’assèchement menés par les abbayes dès le Xe siècle, a abouti au comblement de l’ancien golfe des Pictons et à la constitution d’un monde amphibie, paradis des oiseaux migrateurs. Toutefois la seconde zone humide de France, après la Camargue, présente deux visages différents : celui des Marais desséchés et celui des Marais mouillés.
Les Marais desséchés, traversés par de grands chenaux, sont d’immenses étendues monotones, rompues de maigres haies de prunelliers et de tamaris, de saules et de roseaux, protégées de la mer par des ceintures de digue. De puissantes exploitations y vivent de la culture intensive des céréales (maïs) et de l’élevage. Les bovins sont consacrés à la production de lait, les ovins plutôt à la viande. Ceux-ci se cantonnent surtout dans les prés salés, inondés par la mer, autour de la baie de l’Aiguillon. La partie basse de la baie est réservée à la conchyliculture (moules de bouchot et huîtres).
Les Marais mouillés sont constitués de prairies permanentes réservées aux pâtures des troupeaux (la vache normande a remplacé la maraîchine, une bête magnifique à la robe beige qui faillit bien disparaître dans les années 1960 et dont le cheptel se reconstitue). Ils correspondent, eux, à la zone d’épandage des eaux de crue venues des cours d’eau : Sèvre niortaise, Lay, Autize, Mignon… En constante régression, ces marais offrent leur dédale de fossés, de rigoles et de conches poissonneuses, encadrés par une végétation luxuriante dont « l’apothéose » se situe dans la partie orientale, surnommée la « Venise verte », qui demeure l’une des régions-phare de notre tourisme hexagonal. Saules, peupliers et ormes, nénuphars, roseaux et fleurs sauvages jettent un feu d’artifice végétal. L’été, les lentilles d’eau forment un véritable tapis que fendent les « plates », ces barques maraîchines à fond plat, menées à la « pigouille » (gaffe).
Gastronomie
Avec l’angélique, l’anguille est un peu l’emblème du Marais Poitevin. Productions et spécialités : salicorne, légumes ( artichaut du marais1, asperge, oignon, melon, ail, échalote, fève, haricot…), anguille (civelles en omelette, matelote du marais qui correspond à la bouilleture de la Loire), pâté ou terrine de ragondin, truite, écrevisse, grenouille (cuisses de grenouilles à la maraîchine), huître de Vendée-Atlantique (huître farcie), moule de bouchot de la baie de l’Aiguillon (soupe de moules, moules farcies, gratinées ou à la marinière…), foie gras, confit et magret de canard ou d’oie (oie grise du Marais poitevin), gigot de pré-salé, grillon vendéen, préfou, mizotte2, brioche vendéenne, gâche vendéenne, gâteau minute, gâteau à l’angélique. Apéritif : troussepinette.
Produits et spécialités traités dans la région Poitou-Charentes : miget, angélique (angélique confite de Niort), œuf de Marans, melon charentais, soupe à la fève, pétoncle, mouclade, chaudrée, bouilliture d’anguille, tanches à la poitevine, sauce aux lumas, civet d’Aunis (fressure poitevine et gigouri), chevreau à l’ail, tourtière au poulet, jambon aux mojhettes (mogette), farci charentais (farci poitevin), embeurrée de chou, piochons en fricassée, pain de porée, melon charentais, caillebotte, jonchée, pigouille, tricorne, beurre « Charentes-Poitou, merveille et tourtisseau.
1 L’artichaut du marais, produit dans les zones humides, est récolté en été. La base des feuilles est si tendre qu’on le consomme cru à la croque-au-sel ! En revanche, l’artichaut niortais, réputé dans les années 1930, a été chassé en quasi-totalité par un mitage urbain frénétique dans les années 1970.
2 La mizotte, un fromage de vache qui doit son nom à une herbe des prés salé, est encore fabriquée dans une laiterie de Saint-Michel-en-l’Herm.
Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.
A propos du membre
Frédéric Zégierman
Valence (26000)Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.