Entre le Grand Rhône, les Alpilles, l’étang de Berre et le complexe portuaire et industriel de Fos obstruant l’horizon méditerranéen, la Crau déroule ses déconcertantes platitudes de graviers et de galets entre lesquels poussent les « coussous ». Ces touffes d’herbe rase en font depuis des temps reculés une terre de parcours pour ovins (mérinos). Désert humain, la steppe cravène, coupée de longues routes droites, est semée de mas et de jas tournant le dos aux rafales du mistral. Les villes, centres de service, sont périphériques (Salon, Istres, Miramas, Arles). Partiellement mis en valeur par une irrigation ancienne qui a favorisé l’extension des prairies de fauche dont on tire un foin parfumé, le pays craven est ainsi marqué par l’opposition entre la Crau irriguée, cultivée sur le modèle comtadin avec ses haies de cyprès protégeant les cultures maraîchères, et la Crau sèche (les deux tiers de la surface), empierrée, livrée aux activités dévoreuses d’espaces (fabrique de dynamite, décharge d’ordures, aérodromes, gare de triage). Au sud-ouest, dans le pays d’Arles et dans le Grand Plan du Bourg (marais assainis en 1814) les influences camarguaises se manifestent. Plein nord, la Petite Crau est séparée de la Grande Crau par la chaîne des Alpilles, terre de l’olivier.
Salon-de-Provence, en lisière de la Crau dont elle se proclame la capitale, s’auréole du prestige de sa base aérienne et son école de l’Air. À l’est, entre la Durance et l’étang de Berre, s’étendent les plaines et collines du Salonnais flirtant avec le pays d’Aix.
Gastronomie
Productions : viande de mouton et d’agneau des Alpilles et de la Crau, saucisson d’Arles, légumes (chou pointu de Châteaurenard, blette1, salades dont chicorée frisée, laitue, batavia, feuille de chêne, scarole, romaine, rougette… courgette, aubergine, courge, concombre, poivron, piment, oignon, cébette, tomate, artichaut violet, pomme de terre2, asperge3, haricot vert, fève, haricot coco rose, fenouil, ail, riz) et fruits (abricot, pêche, cerise, fraise, melon, raisin, pomme dont une vieille variété, la pomme rouge d’hiver, figue dont figue grise de Tarascon, amande de Provence, olive, coing de Provence… jujube, citre), herbes de Provence, basilic, huile d’olive des Baux (voir à huile d’olive), miel de lavande, de romarin et toutes fleurs des Alpilles (voir miel de Provence). Egalement : poutargue, tapenade.
Fromage : bosson macéré (brebis, battu et moulé, assaisonné de fines herbes ; voir à cachaille), tomme d’Arles.
Boulangerie : fougasse, pain de Beaucaire (voir région Languedoc-Roussillon).
Spécialités : salade de chicorée frisée, tripes de mouton-vinaigrette, côtelettes braisées, broufado, daube provençale, poulet en croquettes ou en rissoles, limaçons (escargots de vigne) mangés à la suçarelle (sauce oignons, anchois, ail, persil), anchoïade, bourride provençale4, brandade de morue, anguille grillée, aïoli et rouille, omelette à la provençale, omelette à la moissonneuse et crespéou, bohémienne, tarte de la Crau (sorte de tarte provençale avec des aubergines grillées), caviar d’aubergines, beignet d’aubergine, fleur de courgette farcie, artichaut à la barigoule, tomates à la provençale, tian de légume, soupe au pistou, bouillabaise borgne et aigo boulido, olives cassées (avec écorce d’orange et fenouil), tomme d’Arles.
Boulangerie et pâtisserie : fougasse, tortillade et torque, oreillette, pignolat, pompe à l’huile, gâteau des rois.
Douceurs : pâte de coing, fruits confits de Saint-Rémy, tartarinade de Tarascon (cerise alcoolisée enrobée de chocolat), confitures (abricot, fraise, figue, tomate verte…confiture de gigérine).
Boissons : jus de fruits, frigolet (liqueur).
La Petite Crau, à l’instar du Comtat, produit en abondance primeurs et fruits.
Le marché d’intérêt national de Châteaurenard se place au premier rang européen (300 000 tonnes annuelles transitent sur son carreau). Cette ville perpétue ses traditions (défilés de la Saint-Éloi, de la Madeleine et de la Saint-Omer, journée des vieux métiers). À l’ouest, avant-goût des Alpilles, se détachent les collines de la Montagnette. Tarascon, attachée à sa légendaire Tarasque et aux exploits de Tartarin, a su restaurer son patrimoine. Saint-Rémy-de-Provence, toute imprégnée encore de Nostradamus et de Van Gogh, exquise porte des Alpilles (fleurs, platanes, fontaines), est l’héritière de Glanum.
Les Alpilles, petit massif de 25 kilomètres de long sur 6 à 8 kilomètres de large, échancré de profonds ravins, culmine à 493 mètres. Cerné de vergers, d’oliveraies, moucheté de broussailles, tapissé par endroits de chênes kermès et de pins, l’aride blancheur calcaire de ses crêts se découpant sur la transparence du ciel produit de poétiques visions évoquant la Grèce.
Le village des Baux suivra la splendeur et la chute de ses puissants seigneurs. Étape gastronomique, le village, perché sur son roc, est assailli de touristes. À l’est, les Alpilles d’Eyguières forment avec la plaine durancienne une autre entité.
1 Blette, voir à blette de Nice.
2 Pomme de terre des plaines de la Durance, voir pomme de terre de Pertuis.
3 Voir asperge de Lauris.
4 Voir bourride sétoise (région Languedoc-Roussillon).
Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.
A propos du membre
Frédéric Zégierman
Valence (26000)Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.